Initiative cantonale « Droits fondamentaux pour les primates »

En tant qu’haplorhiniens, nous, les humains, appartenons au même ordre que plus de cinq cents autres espèces de primates. Les bonobos, les gorilles, mais aussi les macaques ou les guenons sont nos plus proches parents. Comme les humains, ils se distinguent par leur grande intelligence, l’utilisation d’outils, l’entretien d’une vie familiale, des règles et des rituels sociaux, des liens amicaux forts, une compréhension communicative complexe, des processus d’apprentissage à plusieurs niveaux, une capacité d’empathie et une grande sensibilité. Toutefois, contrairement à nous, les primates dits « non humains » servent au divertissement et à la recherche. Ils ne peuvent pas se défendre contre leur exploitation et les interventions dans leur vie – parce qu’ils ne possèdent aucun droit. De ce fait, ils sont systématiquement placés en dessous de nos intérêts, ce qui est rendu particulièrement visible lors de la réalisation d’expériences ou de programmes d’élevage.

Ce rapport inégal et la priorité catégorique accordée aux intérêts humains par rapport à ceux des autres animaux se reflètent également dans l’extinction des espèces et l’effondrement de la biodiversité à l’échelle mondiale et mettent en évidence la chose suivante : afin de protéger suffisamment les êtres vivants et la nature, un changement de mentalité s’impose. Les autres animaux méritent eux aussi d’être protégés en raison de leur valeur intrinsèque et pas seulement dans le cadre de l’utilisation que nous en faisons. Avec l’initiative cantonale « Droits fondamentaux pour les primates », nous avons donc exigé des droits limités pour tous les primates non-humains dans le canton de Bâle-Ville, notamment le droit à la vie et celui à l’intégrité physique et psychique.

L’initiative est le fruit d’une longue histoire. Après son lancement par Sentience en 2017, le Conseil d’État bâlois a décidé de la déclarer non valable. La Cour constitutionnelle cantonale s’est toutefois opposée à cette décision et a déclaré l’initiative recevable. Puis, six membres du bureau du Grand Conseil ont fait appel du jugement en tant que particuliers, mais le Tribunal fédéral a lui aussi conclu que l’initiative était valable et devait être soumise au vote du peuple. Les frais de procédure n’ont pas été payés par les six personnes, mais par les impôts bâlois. En raison d’un prétendu manque de temps du Grand Conseil, la votation a continué à traîner et est tombée le 13 février 2022, la même date que la votation de l’initiative populaire nationale pour l’interdiction de l’expérimentation animale et humaine, qui a été considérée comme n’ayant aucune chance et qui – bien que les intentions soient importantes et bonnes – a amené la population sur une voie plutôt critique vis-à-vis de l’amélioration du statut des animaux non-humains.

Résultat

Malgré divers détours et obstacles, l’initiative pour les primates est arrivée jusqu’à la population et a remué le paysage médiatique international, surtout à l’approche du vote. Pour la première fois au monde, l’électorat a pu se prononcer démocratiquement sur l’octroi de droits fondamentaux aux animaux non-humains. Bien que le oui n’ait pas abouti le 13 février 2022, environ un quart (25,26%) des Bâloises et Bâlois ainsi que les partis de gauche, dont le PS et les Vert·e·s, ont soutenu l’extension de la notion de droits fondamentaux aux primates non-humains. Ce seul fait peut être considéré comme un succès pour ce projet pionnier.

Au niveau local et national ainsi que dans plus de 18 pays, les journaux et les stations de radio ont rapporté le nouveau débat mondial sur les droits des animaux engagé à Bâle avec notre initiative populaire dans plus de 300 articles et émissions. Que ce soit en Hongrie, en Irlande, aux États-Unis ou en Australie, mais surtout à Bâle et en Suisse, de nombreux lecteurs·ices et auditeurs·ices ont pris conscience pour la première fois que, malgré la législation sur la protection des animaux, nous continuons aujourd’hui à faire passer systématiquement les intérêts humains avant les besoins des animaux non-humains.

Dans d’autres pays également, le débat a gagné en visibilité ces dernières années grâce aux droits accordés de manière individuelle à des éléphants, des hippopotames ou des singes, et il continuera à gagner en pertinence tant que nous ne donnerons pas plus de place aux intérêts non-humains dans notre système. Sentience continuera à défendre les droits des animaux sentients et à rechercher de nouvelles initiatives politiques pour minimiser efficacement la souffrance dans la vie des animaux non humains.