Dignité animale : renforce-t-elle le bien-être animal ?
L’initiative populaire fédérale contre l’élevage intensif et l’initiative bâloise « Droits fondamentaux pour les primates » ont toutes les deux basé leur argumentaire sur à la notion de la dignité animale. Celle-ci est ancrée dans la loi sur la protection des animaux depuis 2008 et y est comprise comme une valeur intrinsèque. Mais que signifie-t-elle exactement ? En quoi renforce-t-elle la Loi sur la protection des animaux ? Et comment, malgré ses points faibles et en plus du critère de la sentience, peut-elle être un outil supplémentaire prometteur pour la protection des animaux ?
Dans la loi sur la protection des animaux depuis 2008
En philosophie, le concept de dignité fait débat depuis l’Antiquité, de sorte que différents concepts se sont développés. Sur le plan juridique, le concept de dignité humaine n’a fait son entrée dans les textes juridiques qu’à l’issue de la Seconde Guerre mondiale. Un peu plus tard, en 1992 pour être précise, la dignité des créatures a été ancrée dans la Constitution fédérale (Cst). Un immense coup de chance. Enfin, la dignité des animaux a été intégrée dans la loi sur la protection des animaux (LPA) lors de sa révision en 2008. La dignité y est définie comme suit :
« dignité : la valeur propre de l’animal, qui doit être respectée par les personnes qui s’en occupent ; il y a atteinte à la dignité de l’animal lorsque la contrainte qui lui est imposée ne peut être justifiée par des intérêts prépondérants ; il y a contrainte notamment lorsque des douleurs, des maux ou des dommages sont causés à l’animal, lorsqu’il est mis dans un état d’anxiété ou avili, lorsqu’on lui fait subir des interventions modifiant profondément son phénotype ou ses capacités, ou encore lorsqu’il est instrumentalisé de manière excessive. » Art. 3 lit. a LPA
La dignité comme valeur intrinsèque
Dans la législation suisse, la dignité est comprise comme une valeur, plus précisément, comme une valeur intrinsèque. Cela signifie qu’un animal n’a pas besoin d’être utile ou de plaire à quelqu’un·e pour qu’il ait cette valeur. Cela signifie également qu’un animal compte pour lui-même. Ainsi, nuire au chat de ma voisine n’est pas mal parce que je porterais ainsi atteinte à sa propriété, mais parce que le chat compte comme tel devant la loi et est considéré comme digne de protection. Ce concept de dignité est également remarquable parce qu’il englobe des aspects pathocentriques et non-pathocentriques : le concept de dignité protège ainsi les animaux de la douleur et du dommage ainsi que de l’humiliation et de l’instrumentalisation.
Double relativisation de la protection
La dignité animale diffère de la dignité humaine sur un point fondamental : si la seconde est absolue, la première n’est que relative. Les intérêts humains peuvent l’emporter sur les intérêts des animaux, justifiant ainsi une potentielle atteinte. Le problème ici est que les intérêts humains bénéficient souvent d’un poids plus important. Un principe hiérarchique est appliqué dans lequel les intérêts insignifiants d’utilisation des humains sont davantage pondérés que les intérêts d’existence des animaux. Cela conduit immédiatement à une double relativisation de la protection : premièrement, la dignité animale n’est pas absolue, une pondération des intérêts est donc possible. Deuxièmement, les poids respectifs sont inégalement considérés, les intérêts des humains sont automatiquement pondérés plus lourdement.
Dignité animale et sentience
La loi sur la protection des animaux protège les animaux dont la sentience est reconnue par le gouvernement fédéral. En tant que concept au sein de la Loi sur la protection des animaux, seuls les animaux reconnus par le gouvernement fédéral ont droit à la dignité. Il s’agit pour l’instant des vertébrés, céphalopodes et écrevisses. Les mygales ou les abeilles mellifères ne sont par exemple pas couvertes par la loi sur la protection des animaux, on ne leur attribue ainsi pas de dignité animale – mais une dignité de la créature.
La dignité animale, au sens de la législation suisse, est étroitement liée au critère de la sentience. Mais la notion de dignité elle-même – humaine, animale ou des créatures – déplace l’attention vers un autre élément en reconnaissant une valeur intrinsèque. Le critère rationnel de la sentience n’est donc pas le seul fondement de nos rapports aux animaux.
De plus, le concept de dignité renvoie à une certaine intuition et parvient mieux à atteindre le plan émotionnel. Le concept de dignité animale est donc un bon outil supplémentaire – avec quelques points faibles – pour protéger les animaux plus efficacement et créer de meilleures conditions de vie pour eux.